Il s'agit d'articles purement calomniateurs que je vais ici tenter de démonter.
Tout d'abord, il faut essayer de comprendre l'esprit de ce journal, lié à une tradition française de la satire bien spécifique, et parfois difficile à comprendre de l'extérieur.
Né à la fin des années 1960, Charlie Hebdo est lié à un mensuel satirique à l'humour noir et dévastateur, ne respectant aucun pouvoir, aucune institution : Hara Kiri, plusieurs fois censuré et interdit par le pouvoir en place.
Les deux revues sont créées par des dessinateurs humoristes proches de la mouvance gauchiste (anarchistes, communistes, écologistes). Leurs cibles favorites sont l'armée, l’Église, le gouvernement, les patrons et les mouvements fascistes. Cette double identité politique et artistique a son importance. Dans les pages du journal, on trouve à la fois des dessins, des textes et des reportages promouvant leurs combats (écologie, féminisme, anticléricalisme, antimilitarisme...) et d'autres réagissant avec une extrême violence humoristique à l'actualité politique, tournant en dérision absolument tout : aussi bien les dirigeants que les dirigés, tant les criminels que leurs victimes et les familles de ces dernières. Si l'on pouvait résumer leur profession de foi, ce serait : RIEN N'EST SACRÉ ! Il faut rire de, taper sur tout le monde afin de transcender l'actualité, la vie même. Plus qu'un journal gauchiste, il s'agit en fait d'un journal nihiliste, représentatif de l'époque qui l'a vu naître, prônant qu'il faut TOUT remettre en question.
Étant systématiquement liée à
l'actualité politique, chaque image doit être comprise dans son
contexte, son époque, son espace de réception (la société
française) et la culture française en général. Le ton est
fortement sarcastique, violent, érotique, grossier, parfois
surréaliste.
Je prendrai ici pour exemple trois
images dont se servent ceux qui accusent la revue de tous ces maux.
Dans la première, on voit une femme
noire dessinée en singe. Quoi de plus raciste me direz-vous ?
Sauf que le dessin ne se moque pas de cette femme. C'est une
référence à une couverture d'un journal d'extrême-droite, Minute,
qui avait titré « Taubira [la ministre de la Justice] retrouve
la banane », la comparant ainsi à un singe, métaphore raciste
ignoble. Le texte au dessus du dessin, « Rassemblement bleu
raciste » parodie le slogan du parti d'extrême-droite le Front
national « Rassemblement bleu marine » (du nom de son
chef Marine Le Pen). Loin d'être une caricature raciste, il s'agit
en fait d'une dénonciation du racisme de Minute et du
Front national.
Dans la deuxième, « Bonne année,
bonne quenelle », un noir a un objet phallique (en fait une
quenelle) dans le cul. Il faut savoir qui est ce personnage. Il
s'agit de Dieudonné, un humoriste-politicien d'extrême-droite ayant
fait un succès à force de provocations antisémites. Il a
popularisé un geste de ralliement avec ses fans, qualifié de
« quenelle », à mi-chemin entre salut nazi et bras
d'honneur (ce qui en France signifie « je t'encule »). Le
dessinateur renverse donc le geste vers son initiateur pour l'enculer
à son tour et donc... le dénoncer.
Dans le troisième dessin, deux femmes
en extase – visiblement deux lesbiennes – regardent un crucifix
souillé de secrétions vaginales. Un dessin homophobe ? Il
s'agit en fait de Frigide Barjot et de Christine Boutin, les deux
leaders du mouvement réactionnaire, massivement composé de
catholiques intégristes, opposé au mariage homosexuel « la
manif pour tous ». La légende, « 2 mamans, 1 sextoy ? »
parodie le slogan du mouvement « 1 papa, 1 maman » qui
voit dans l'autorisation du mariage homosexuel la destruction de la
civilisation chrétienne occidentale. En transformant ces deux
personnes en ce qu'elles combattent, deux lesbiennes, de surcroît
obsédés par un godemichet improvisé (un crucifix au caractère
sacré qui est ici transformé en objet trivial), la dessinatrice
Coco montre leur vraie nature : ce sont deux obsédées
irrationnelles, obsédées en réalité bien sûr non pas par le sexe
mais par une croyance absurde et anachronique en une apocalypse
morale. La cible n'est donc pas la communauté homosexuelle mais bien
ses opposants.
On peut trouver ces dessins de mauvais
goût, ne pas les trouver drôles mais les qualifier de racistes,
d'homophobes ou de sexistes est de la pure DÉSINFORMATION.
On peut être choqué que ces
dessinateurs attaquent telle ou telle personne, telle ou telle
institution, telle ou telle groupe. Mais à partir du moment où on
interdit de se moquer de quelqu'un ou de quelque chose, il n'est plus
d'humour possible. L'humour (surtout celui de Charlie Hebdo) est
féroce et n'épargne personne. C'est dans sa nature.
Au sein de l'extrême-gauche française,
il existe une polémique autour de Charlie Hebdo. Une partie de
celle-ci accusant le journal d'être « irresponsable »,
de trop se moquer de l'islam à un moment inopportun, alors qu'une
vague de xéphobophie et d'islamophobie frappe le pays, avec pour
symptômes la montée du parti d'extrême-droite le Front national,
la libération de la parole raciste dans la classe politique et
certaines lois qui, sous couvert de défense de la laïcité, ciblent
spécifiquement la communauté musulmane. Ce à quoi les dessinateurs
et rédacteurs du journal répondent qu'il n'est d'humour possible
sans droit à être... irresponsable. Là apparaît la limite, la
vulnérabilité (ou la force) du journal, placé entre militantisme
de gauche, opposé à la xénophobie et à l'extrême-droite mais
aussi attaché à la laïcité, et humour ravageur voulant prendre
pour cible tous les aspects de la vie et tous les membres de la
communauté nationale.
Mais en aucun cas on ne peut prétendre
que Charlie Hebdo est raciste. C'est de la calomnie.
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